Présentation du 17 décembre 2007 de maître Gérard Canalès

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ASSOCIATION  HOCHE  RETRAITE
Assemblée Générale Ordinaire du 17 décembre 2007

Intervention de Maître Gérard Canalès, Président de la Chambre des Notaires de Paris

L’assurance-vie est-elle encore utile ?

Trois lois récentes ont profondément modifié le droit patrimonial de la famille : le régime des incapables  (Loi 5 mars 2007), les droits du conjoint ou du partenaire pacsé, ainsi que le régime des transmissions patrimoniales à titre gratuit (Loi du 23 juin 2006) et le régime fiscal de ces transmissions (Loi dite « TEPA » du 21 août 2007).

Ces modifications en profondeur des règles de droit civil et de droit fiscal concernent la protection des personnes et la transmission de leur patrimoine, en ouvrant de nouvelles perspectives contractuelles (1ère partie).

Or protection et transmission sont les deux principaux atouts de l’assurance-vie.
Dès lors, l’assurance-vie est-elle encore utile ? la question mérite d’être posée (2ème partie).

I – Les nouvelles perspectives contractuelles

Faute de pouvoir procéder à un examen exhaustif de ces réformes qui ont modifié plus de 200 articles du Code Civil, je limiterai mes propos aux buts recherchés par le législateur et aux nouveaux outils juridiques mis à notre disposition pour les atteindre.

§ 1 : Anticiper sa propre incapacité ou son décès :

Il s’agit de prévoir l’altération de ses facultés physiques ou intellectuelles ou son décès et d’organiser par anticipation la protection de sa propre personne, de celle de ses enfants et de ses intérêts patrimoniaux, par les biais d’un mandat.

1 – Le Mandat de Protection Future (articles 477 à 494 du Code Civil) :

Il permet pour soi-même ou pour autrui (ses enfants mineurs), de désigner un ou plusieurs mandataires, par acte notarié ou par acte sous-seing privé, à l’effet de mettre en place un régime de protection de la personne, et/ou de ses intérêts patrimoniaux, en cas d’altération de ses facultés physiques ou intellectuelles.

Ce mandat prend effet sur production au greffe du Tribunal d’Instance d’un simple certificat médical attestant que le mandant est incapable de pourvoir seul à ses intérêts ou à ceux de ses enfants (mineurs ou majeurs incapables).

2 – Le Mandat Posthume (article 812 du Code Civil) :

Ce mandat permet à toute personne de désigner de son vivant un mandataire chargé d’administrer tout ou partie de son patrimoine après décès, et prend effet au jour du décès.
Ce mandat, obligatoirement notarié, doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime. Il ne peut excéder 2 ans prorogeable une ou plusieurs fois par décision du Juge et ne confère aucun pouvoir de disposition.
Ces deux techniques contractuelles ouvrent à chacun un choix, c’est-à-dire un espace de liberté dans des domaines qui jusqu’à présent relevaient du judiciaire.

§ 2 : Organiser dans les meilleures conditions la transmission de son patrimoine :

A cet effet, de nouveaux outils juridiques nous sont désormais offerts, à savoir :

1 – L’organisation d’un saut de génération par renonciation d’un héritier dont la part bénéficiera à ses représentants (article 804 du Code Civil) sans conséquences fiscales fâcheuses (article 779 du Code Général des Impôts) :
Jusqu’à lors, ce saut de génération n’assurait pas une totale sécurité au plan civil, en raison de la part réservataire du renonçant et faisait courir un risque fiscal de double taxation, désormais ce ne sera plus le cas.

2 –
Le pacte successoral (article 929 du Code Civil) :

Il permet de renoncer volontairement par anticipation à  l’action en réduction pour atteinte à la réserve.
L’héritier réservataire renonçant ne pouvant réclamer au décès sa part de réserve sur les biens donnés, une parfaite sécurité est ainsi assurée au donataire.

3 – Les libéralités graduelles et résiduelles (articles 1048 et suivants, articles 1057 et suivants du Code Civil) :

  • Par donation ou testament, les libéralités graduelles engendrent une obligation pour le premier bénéficiaire deconserver, puis de transmettre à son décès à un deuxième bénéficiaire désigné dès l’origine par le donateur ou le testateur, les biens concernés.

Il s’agit d’un outil utile quand on souhaite assurer au premier gratifié les revenus sans la contrainte de démembrement (usufruit – nue-propriété), tout en permettant au deuxième gratifié d’avoir la certitude de recevoir sa part au décès du premier gratifié.

  • Les libéralités résiduelles engendrent uniquement une obligation de transmettre au deuxième gratifié le résidu,c’est-à-dire, « ce qui restera ». Il s’agit de permettre au premier gratifié de librement gérer, aliéner, consommer et donner (sauf clause contraire). Toutefois le premier gratifié ne pouvant pas léguer les biens objet de la libéralité, le second gratifié tiendra ses droits directement du disposant.

4 – Les libéralités partages :

En élargissant leur champ d’application, le Code Civil permet aujourd’hui d’effectuer ces libéralités dans le cadre de donations-partages transgénérationnelles (descendants de degrés différents) ou dans les familles recomposées.

§3  Transmettre son patrimoine avec une fiscalité allégée voire supprimée :

Les dispositions fiscales résultant des textes ci-dessus prévoient :

1 – Une neutralité fiscale :

  • pour le saut de génération par renonciation (article 779 du Code Général des Impôts)
  • pour la renonciation anticipée à l’action en réduction :Cette renonciation ne constitue pas une libéralité et n’est pas soumise aux droits de mutation à titre gratuit
  • pour les libéralités graduelles ou résiduelles :Le premier gratifié est redevable des droits de mutation à titre gratuit sur la part lui revenant, compte tenu de son lien de parenté avec le disposant.  Au décès du premier gratifié, le deuxième bénéficiaire est imposable, d’après son degré de parenté avec le disposant. Le taux applicable et la valeur sont déterminés à la date du décès du premier gratifié, déduction faite des droits acquittés par le premier gratifié.
  • pour les libéralités-partages à des descendants de degrés différents :Après saut de génération, les droits sont liquidés suivant le lien de parenté avec le disposant et les descendants allotis (article 784B du Code Général des Impôts).

2 – Exonération totale des droits de succession à compter du 22 août 2007 pour les successions ou les réversions d’usufruit au bénéfice du conjoint ou du partenaire pacsé.

Cette exonération ne s’applique pas aux donations entre vifs. En effet, le conjoint ou le partenaire pacsé reste taxé après un abattement de 76.000€.

3 – Augmentation des abattements :

  • en ligne directe de 50.000€ à 150.000€ par enfant et par parent.
  • entre frère et sœur : de 5000€ à 15.000€.
  • entre parents jusqu’au 3ème degré de 1.500€ à 7.500€.

4 – Héritier handicapé :
Abattement qui passe de 50.000€ à 150.000€ supplémentaire, par parent.

5 – Complément d’abattement :
Possibilité pour les personnes ayant consenti une donation depuis moins de 6 ans au 22/08/2007 de consentir en franchise d’impôt une nouvelle donation à un même bénéficiaire à hauteur du complément d’abattement.

6 – Rappel des donations antérieures :

Passage de 10 à 6 ans du rappel des donations antérieures (disposition de la loi de finances 2006).

Toutes ces nouvelles dispositions sont sous-tendues par une idée commune : donner à chacun une plus grande liberté contractuelle pour organiser sa protection, celle de ses enfants et pour transmettre son patrimoine sans coût fiscal ou à un coût fiscal grandement allégé ; le tout en déjudiciarisant et en limitant les mesures impératives d’ordre public qui régissaient le régime de protection des incapables et celui de la réserve héréditaire.

Or, avant ces différentes réformes, l’assurance-vie grâce à sa souplesse et à son régime fiscal de faveur constituait la meilleure réponse.

Conserve-t-elle aujourd’hui le même attrait ?

II – Les atouts de l’assurance-vie

Parce  qu’elle est juridiquement  « hors succession », l’assurance-vie bénéficie :

§ 1  D’une totale liberté de désignation du bénéficiaire

Si les nouvelles dispositions du Code Civil ont élargi l’espace de liberté de chacun en matière de transmission successorale, la liberté de choix des héritiers n’est cependant pas totale en raison notamment de la part réservataire qui subsiste au profit de certains héritiers.

De ce point de vue, l’assurance-vie  conserve l’avantage d’offrir une totale liberté de choix du bénéficiaire et une plus grande souplesse ainsi qu’une plus grande discrétion de désignation.

La transmission « hors succession » des capitaux lors du décès du souscripteur permet d’améliorer la protection financière du bénéficiaire au-delà  des droits qu’il peut tenir de la loi  ou des dispositions testamentaires sous la seule condition que les primes ne soient pas manifestement exagérées.

Par suite usez de cette liberté et confortez là par la rédaction d’une clause bénéficiaire parfaitement adaptée à vos préoccupations, en portant à la connaissance de l’assureur les modifications des bénéficiaires (avenant aux dispositions testamentaires).

§ 2  D’un régime fiscal de faveur

1 – Une fiscalité des rachats, en cours de contrat, particulièrement attrayante

En effet après 8 ans, les rachats ne subissent qu’un taux d’imposition faible (7,5% hors prélèvements sociaux après abattement de 4.600€ /célibataire ou 9.200€ /couple marié). C’est sans doute aujourd’hui la taxation au titre des revenus ou des plus-values la plus faible.

2 – Un régime fiscal maintenu et amélioré par une neutralité fiscale  instaurée par la Loi « TEPA »

Au décès de l’assuré, la transmission des capitaux issus d’un contrat d’assurance-vie bénéficie d’un régime extrêmement favorable, à savoir :

  • Pas de taxation pour les contrats souscrits et les versements effectués avant le 20/11/1991
  • Pas de taxation pour les contrats souscrits et les versements effectués avant 70 ans et avant le 13/10/1998
  • Taxation forfaitaire de 20% des capitaux résultant des primes versées avant 70 ans et après le 13/10/1998 au-delà d’un abattement de 152.500€ par bénéficiaire et par assuré, tous contrats confondus (Taux le plus souvent inférieur à celui des droits de mutation par décès).
  • Abattement global de 30.500€ tous contrats confondus, pour les versements effectués dès le 70e anniversaire de l’assuré et application des droits de mutation à titre gratuit selon le lien de parenté sur les primes versées et non sur le capital transmis.

Ce régime fiscal de faveur est maintenu et continuera à profiter à tous les bénéficiaires (autres que le conjoint ou le partenaire pacsé) qui, à défaut, seraient taxés aux droits de succession à un taux beaucoup plus élevé.

Pour les conjoints et les partenaires pacsés, en supprimant les droits de successions, la loi TEPA a, dans un souci de neutralité fiscale, supprimé toute taxation de capitaux issus d’un contrat d’assurance-vie dont ils seraient bénéficiaires.

§.3  Une grande souplesse de constitution et de gestion d’une épargne à moyen ou long terme :

En souscrivant un contrat d’assurance-vie :

Chacun peut :

  • constituer une épargne à son propre rythme,
  • choisir librement la nature de son contrat (en euro ou en unités de compte) et le cas échéant, la nature des supports (actions, obligations) suivant qu’il entend prendre plus ou moins de risques pour plus ou moins de rendement.
  • bénéficier d’une grande souplesse pour les versements, les retraits ou les avances sur contrat, voire pour fournir le contrat en garantie, ce qui engendre une grande disponibilité des fonds ainsi placés et la possibilité d’emprunter aisément.
  • A la différence de la détention d’un portefeuille de valeurs mobilières, dans une assurance-vie en unités de compte, les arbitrages se font en franchise de taxation des plus-values, améliorant d’autant le rendement du contrat.

Conclusion

La réforme du droit des successions et des libéralités et son volet fiscal résultant de la Loi « TEPA » ont considérablement modifié les règles applicables à la transmission du patrimoine, permettant la mise en place d’une véritable stratégie de transmission.
Dans ce contexte, il est opportun de «revisiter » ses choix patrimoniaux ce qui peutconduire à un réaménagement du dispositif ou à un renforcement des choix antérieurs.

Pour ce faire, parce que la fiscalité n’est pas le seul moteur, il convient de :

  • fixer les objectifs,
  • les hiérarchiser,
  • mettre en place l’ingénierie juridique et financière nécessaire pour les atteindre,
  • mesurer la contrainte fiscale qui peut en résulter, et au besoin modifier légèrement les objectifs, ou leur hiérarchie pour améliorer le coût fiscal.

Dans cette perspective, l’assurance-vie, en raison de ses qualités intrinsèques et des avantages dont elle bénéficie, parce qu’elle peut se cumuler avec les autres moyens dont chacun dispose aujourd’hui, doit nécessairement s’inscrire dans une stratégie de diversification de transmission patrimoniale.

C’est pourquoi, à la question initiale

« l’assurance-vie est-elle encore utile ? »

Je répondrai sans hésitation oui, plus que jamais.